Amnésie traumatique et levée de l'amnésie

L'amnésie traumatique, aussi appelée amnésie dissociative, désigne une incapacité à se souvenir d'événements traumatiques ou stressants, souvent en réponse à un choc émotionnel intense. Contrairement à un simple oubli, cette forme d'amnésie est un mécanisme de défense mis en place par le psychisme pour protéger la personne d'une surcharge émotionnelle.

Cette forme d'amnésie survient fréquemment à la suite de traumatismes répétés, comme des violences sexuelles ou physiques, en particulier durant l'enfance. Face à un stress extrême, le cerveau se met en mode survie : certaines zones de la mémoire se "déconnectent", empêchant l'accès au souvenir du traumatisme. Ce processus de dissociation peut également affecter les émotions, les sensations, ou même la perception de soi.

La dissociation est une réponse neurobiologique. Sous l'effet du choc, le cerveau libère notamment du cortisol et de l'adrénaline. Ces hormones permettent de survivre à l'instant de la menace, mais elles peuvent aussi bloquer l'intégration de la mémoire traumatique, rendant difficile tout travail d'élaboration psychique.

Quand la mémoire revient

La levée de l'amnésie marque souvent le début d'un processus de reconstruction. Mais ce retour des souvenirs peut être brutal, fragmenté, parfois obsédant, et s'accompagne souvent d'une grande souffrance. Il intervient souvent dans des moments de vulnérabilité ou de transformation : un deuil, une grossesse, un burn-out, ou encore des événements réactivant le traumatisme initial.

Ces souvenirs émergents nécessitent un accompagnement thérapeutique. Revivre psychiquement ce qui a été vécu dans le corps peut être extrêmement douloureux. Cela implique de reconnaître la réalité de ce qui s'est passé, ce qui peut profondément bouleverser des repères familiaux ou personnels longtemps idéalisés. Ce travail peut soulever de la honte, de la peur, de la colère, ou un sentiment de culpabilité injustifié.


Une reconstruction possible

Malgré leur violence, ces souvenirs refoulés — une fois accueillis, mis en mots, intégrés — permettent à la personne retrouver un sentiment de cohérence, de se réapproprier son histoire, et de reconstruire son identité.

Le travail thérapeutique consiste alors à accompagner l'intégration de ces souvenirs, à renouer des liens entre les fragments de mémoire, les émotions, le corps et le sens. Il ne s'agit pas de revivre le trauma, mais de l'élaborer à son rythme, dans un cadre sécurisant.

Pour conclure

Il est essentiel de souligner que la dissociation, bien qu'elle soit un mécanisme de protection psychique à court terme, peut, sur le long cours, empêcher la personne d'intégrer pleinement les événements traumatiques vécus. Ce processus, qui a permis de survivre face à l'insupportable, crée des coupures dans la mémoire, dans le ressenti, et parfois dans l'identité elle-même.

Dans une démarche thérapeutique, l'objectif n'est pas de forcer ces souvenirs à revenir, mais de créer un espace sûr, où ce qui a été fragmenté ou mis à distance peut revenir au rythme de la personne, dans un cadre contenant. Il s'agit de réparer la continuité psychique, de retricoter du lien entre les sensations, les émotions, les souvenirs et la parole, afin que ces éléments autrefois dissociés puissent s'intégrer dans une histoire personnelle cohérente.

Ce travail d'intégration est souvent long, délicat, parfois douloureux, mais il est aussi porté par un mouvement de vie, une quête de sens, une recherche de paix intérieure. Il permet peu à peu de retrouver une stabilité émotionnelle, de sortir de l'isolement et de réinvestir sa vie d'une manière plus libre et plus consciente.

Avec un accompagnement thérapeutique respectueux et engagé, il devient possible de transformer la mémoire traumatique en mémoire intégrée, non plus comme une menace permanente, mais comme une partie de soi qui a été traversée  et qui n'empêche plus de vivre.